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BONNE FÊTE DU PAGNE

Source image: rdph-cg

D’aussi loin que je me souvienne, le 8 mars a toujours représenté à mes yeux la fête de la femme. J’adorais cette journée parce que j’y voyais les femmes qui comptaient le plus pour moi, mes superwomen très heureuses et fières de se célébrer. Elles arboraient toutes leurs pagnes du 8 mars avec des modèles plus compliqués les uns que les autres.
Certaines étaient invitées à défiler devant la première dame du pays. La fierté se lisait sur mon visage quand je les reconnaissais à la télévision et que je pouvais m’en vanter le lendemain auprès de mes amies à l’école. Généralement, leur soirée s’achevait dans un bar du quartier ou à la maison pour boire leurs bières. À ce moment-là, j’étais priée de dégager des lieux car elles abordaient des conversations d’adultes. En somme, j’adorais ces moments parce que le temps d’une journée elles étaient des femmes libres et sans obligations maritales qui se célébraient. J’avais hâte d’être femme à mon tour et de joindre ces célébrations.

Il a fallu attendre l’université et être loin de mes tantes pour célébrer mes premières fêtes de la femme. Ce 8 mars là, l’association des jeunes femmes de mon école invitait nos aînées aux parcours extraordinaires pour nous faire part de leur expérience. Elles nous partageaient les batailles qu’elles avaient dû mener dans leurs domaines respectifs. Le clou de la journée était la soirée gala où l’on portait fièrement notre pagne. La soirée se terminait par le couronnement de la miss université. Personnellement, je me fichais des conférences et autres, ma principale préoccupation était de coudre ma robe en pagne, participer à la soirée et surtout à l’after en boîte avec mes copines. Certaines étaient mariées donc c’était l’une des rares occasions où elles se permettaient de s’amuser jusqu’au bout de la nuit avec l’accord de leurs maris. Car disons-le, c’était la journée de la femme, elles meritaient quelques transgressions dans leurs vies d’épouses exemplaires.

Vers la fin de mon cycle universitaire, ma perception a progressivement changé.  Il n’était plus question de la fête de la femme mais plutôt de la Journée internationale des droits de femmes. Je ne me rendais pas compte du monde patriarcal dans lequel je baignais. La prise de conscience s’est faite dans la douleur. Les combats féministes avaient pris sens dans ma perception du monde. Chaque centimètre de liberté dont jouissaient les femmes qui arboraient leur pagne, tels que l’accès à l’éducation, a été gagné au prix des batailles menées. Cette journée permettait de faire le point sur ce qui a été accompli et ce qu’il reste à réaliser. Il était question de réfléchir aux actions afin de réduire les inégalités sociales que les femmes subissent. J’ai cessé de vouloir porter le pagne ou de boire, mes préoccupations avaient changé.

Après plusieurs mois, j’étais enfin de retour chez moi et je pouvais réaliser mon rêve de célébration avec mes superwomen. La seule ombre au tableau c’est que ma vision des choses avait changé. Dorénavant je ne voulais plus sortir avec mes proches ou porter le pagne, cette simple idée m’exaspérais. Je trouvais que ces pratiques diluaient le combat et que les femmes ne devraient pas le faire. Limite, j’avais développé une certaine animosité envers celles qui me parlaient de célébration et autres. 

Malgré mes réticences, ma tata avait néanmoins réussi à me convaincre de passer ma soirée en sa compagnie et celle de ses amies. Durant ces retrouvailles, l’une d’entre elles m’a confié qu’aujourd’hui elle pouvait se permettre de prendre quelques bières et de rentrer après 21h car c’est l’une des rares occasions où elle pouvait le faire sans recevoir des coups de son mari. Une autre m’a expliquée qu’elle était heureuse d’être avec nous. En temps normal, son mari ne consentirait pas à prendre soin des enfants pendant qu’elle s’amusait avec ses amies. Le 8 mars le lui permettait, donc elle voulait profiter pleinement de sa soirée. J’y suis allée avec beaucoup d’idées préconçues et plein d’appréhensions. Mais passer ce moment avec mes “mamans” m’a rappelé pourquoi j’adorais cette journée plus jeune. Je pouvais voir des femmes heureuses et épanouies le temps d’une journée. Des femmes qui s’affranchissent des limites qui leur ont été fixées pour une raison ou pour une autre. J’ai enfin pu avoir accès à ces conversations d’adultes… Mais ça, ce sera peut-être le sujet d’un autre article !

Aujourd’hui, j’ai la conviction qu’on ne devrait se concentrer que sur les droits des femmes en cette journée. Pour avoir été dans la position de la jeune femme qui ne se soucie que de sortir avec ses copines dans son pagne magnifique, je suis moins dure envers ces femmes. La sensibilisation sur les challenges que nous devons relever doit être faite envers toutes les femmes et en le sachant, certaines vivraient cette journée différemment ou pas. Au final, être pour la valorisation des droits des femmes n’est-ce pas aussi laisser chacune faire ses choix tant qu’elle est épanouie ?

Exaucée

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