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UNE SEMAINE DE MERDE

Source image: Anges

« Miss, je suis désolée mais je ne pourrai pas passer chez toi ce soir. J’ai besoin de me retrouver, là ça ne va pas! »

J’hésite un peu avant d’envoyer le message à Anges. Comment va-t-elle le prendre? Pensera-t-elle que je l’évite? Que je ne veux pas la voir?

Inspiration. Expiration. 

Je l’envoie. Elle répond presque aussitôt.

Nous sommes mardi.

Il y a dix jours, le vendredi soir, je revenais de vacances. Des vacances entre filles magnifiques (attendez-vous à un article!). Beaucoup de rires, beaucoup de promenades, beaucoup de conversations et surtout beaucoup de nourriture. Ceux qui me connaissent vous diront que je suis quelqu’un de très sociable donc ce type de vacances me sied. Je m’y retrouve et je m’amuse au maximum. Cependant, c’est beaucoup d’efforts de ma part. Il est parfois difficile pour les autres de s’en rendre compte vu l’image que je projette.

En réalité, pour pouvoir passer une semaine avec une autre personne et être présente à 100% , il faut que je passe un minimum d’une semaine avec moi-même, seule. J’ai besoin de me ressourcer avant et après les différentes interactions sociales.

Dans la culture populaire, les personnes comme moi sont décrites comme des introverti.e.s-extraverti.e.s c’est-à-dire qu’en public, il est agréable de passer du temps avec nous. Nous divertissons nos proches et amis, nous sourions, nous apprécions ces instants: c’est le côté extraverti. Par contre, nous apprécions encore plus les moments de solitude où nous pouvons souffler, faire le point et recharger nos batteries. Cela allait faire dix jours que je suis revenue de vacances et je compte sur les doigts d’une main les jours où j’ai été seule.

Au retour des vacances entre filles, vendredi après-midi, j’ai décidé d’aller chez ma tante au lieu de retrouver mon chat. J’y ai passé le weekend et ne suis rentrée que le dimanche soir chez moi. Pas le temps de souffler, il faut ranger ses affaires et préparer le retour au travail le lendemain.

Je savais déjà que mon quota social était sur le point de s’épuiser. Après cinq jours avec mon amie puis deux jours et deux nuits avec un neveu, cinq cousins, deux tantes, un oncle, j’étais fatiguée. J’avais demandé à partir de chez ma tante plus tôt le dimanche, dans la matinée pour récupérer. Chose qui ne fut faite, nous n’avions pas passé de temps ensemble depuis trop longtemps et quelques heures de plus, qu’était-ce?

En parallèle, un ami qui avait déménagé en Suisse pour son doctorat, était de retour à Paris le même weekend. Il voulait aller boire un verre avant son retour le mercredi suivant. Sachant que je tenais à passer du temps avec mon partenaire mardi, lundi s’imposa.

Lundi, retour au boulot puis verre avec mon pote E. Il s’avère que je ne le rencontrais pas tout seul. Il se pointa avec sa partenaire et deux amis à celle-ci. Deux nouvelles personnes, ce qui veut dire de la sociabilisation car il faut faire connaissance! Faire connaissance avec de nouvelles personnes demande des efforts. Je suis crevée.

Je ne rechigne pas. Je passe trois heures avec et je ne tiens pas en place. J’essaie de m’en aller le plus tôt possible. Mon excuse: je dois laver mes cheveux. Ça prend du temps de laver mes locs et j’en avais besoin mais c’était aussi l’excuse pour partir de là. Ce soir-là, je me couchais à minuit, les cheveux trempés, un mal de crâne, en manque de moi.

Cela faisait deux nuits de suite passées chez moi sans que je n’ai de temps pour moi. Ce sera trois car le lendemain, mardi, c’était le tour de mon compagnon. 

Le mercredi soir, je me couchais 1h30 plus tôt que d’habitude. Je suis crevée disais-je à mon partenaire. Je l’étais, je voulais mon temps à moi, mon espace. Je mettais mon téléphone en mode avion et rendez-vous d’abord avec Morphée. Je venais d’établir le programme infaillible: dormir mercredi, jeudi et vendredi, me ressourcer avant une soirée pyjama du samedi soir. Cette soirée était prévue depuis belle lurette avec des rédactrices d’Imania. J’avais donc le plan idéal afin d’être le plus agréable possible avec mes amies.

Ce serait mal connaître le monde et son rien à battre de mon besoin de solitude. Le jeudi matin, 9h, message de mon frère. Un problème familial que l’on croyait réglé il y a plus d’un an persiste. Étant donné la gravité de la chose, je me dois d’agir le plus vite possible. Cela va nécessiter que j’interagisse avec plusieurs membres de la famille, parfois de façon virulente. Cela demande aussi que je discute avec ami.e.s, connaissances et étrangers afin de trouver une solution efficace. En plus de ces efforts interactifs quotidiens et nombreux, le souci me replonge dans le deuil de mon père. 

Le même jeudi midi, message de K, une amie avec qui j’ai complété l’équivalent de ma licence aux USA en 2015. Elle fait escale à Paris le samedi pendant 4 heures. Elle revient du Royaume-Uni et s’installe elle aussi en Suisse. Je ne peux pas ne pas la rencontrer: en 2019, elle m’hébergeait une semaine à Vienne en Autriche et en 2017, elle visitait Paris en étant logée chez moi.

Le jeudi soir, je rentrais chez moi, prête à m’effondrer. Ce fut le moment qu’un voisin choisit pour venir me dire au revoir. Il déménageait le lendemain. Pour la forme, on décidait de boire une bière en signe de départ. 

Une autre soirée, rien pour moi. Cela faisait quatre soirs consécutifs.

Tous les vendredis au boulot, nous passons du temps ensemble ou nous sortons boire un verre. Ce vendredi, je décidais de partir plus tôt. Je marchais au lieu de prendre les transports histoire d’avoir du temps pour moi. Je décidais aussi de me faire quelque chose de bon à manger. C’est ma façon de prendre soin de moi: apprécier un repas succulent seule.

 Je savais que le samedi allait me demander beaucoup d’énergie, je me préparais. Il me faudrait aller chercher K que je n’avais pas vu depuis 2019, déjeuner avec puis rejoindre les rédactrices d’Imania pour la soirée entre filles. On finirait par y passer la nuit, ce serait un effort supplémentaire.

Je rentrais chez moi, le dimanche après-midi, heureuse d’avoir vu ce monde mais crevée de ne pas avoir profité de ma personne. Et c’était loin d’être fini car j’avais rendez-vous en ligne pour éditer un article d’Imania. 

Dimanche soir, épuisée et vidée, je me couche, contemplant le fait que demain c’est lundi que je vais devoir retourner travailler. J’ai mal à la tête, je ne veux voir personne, je ne peux pas. J’essaie de pleurer mais je me fais interrompre par mon téléphone.

“Miss, tu as oublié tes affaires chez moi. Tu peux venir les chercher mardi après le boulot, passer la nuit et retourner travailler le mercredi matin .”

Zut!

Mardi!?! Je revois mon partenaire mercredi. Je ne serai pas en état d’apprécier sa présence si je ne prends pas de temps pour moi. Par contre c’est possible de profiter de mon lundi soir seule, puis mardi récupérer mes histoires pour ensuite sauter dans les bras du filou mercredi. Le plan parfait! Pas du tout, je me rendais compte le lendemain qu’un soir n’était pas suffisant.

Le mardi, j’écrivais à Anges.

« Miss, je suis désolée mais je ne pourrai pas passer chez toi ce soir. J’ai besoin de me retrouver, là ça ne va pas! »

Je l’envoie. Elle répond presque aussitôt.

“Prends ton temps. Repose-toi et prends soin de toi. Bisous.”

Sylvia.

1 commentaire pour “UNE SEMAINE DE MERDE”

  1. Très marrant ?? les aventures de Miss Sylvia ! [Ça prête à sourire]

    Très belle article (ça m’a fait pensé aux histoires photos que l’on trouvait dans en fin de magazine « Amina ».

    P.S : A quel moment l’article a été rédigé du coup ?!??

    P.S 2 : J’ai lu le titre de l’article, puis la section…je me suis dit : c’est nouveau ça ! Une semaine de merde qui constitue un bien être !!! Cette femme est vraiment une génie ! Il faut que je sache de quoi il en est.

    PS 3 : Bravo pour l’article et au plaisir de vous lire prochainement.

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